Abstract:
Le dixième anniversaire des après-midis de Réflexions croisées de droit romain s’associe à l’hommage rendu par l’Université de Mons, au cours de l’année académique 2023-2024, à l’Italie en choisissant pour thème de l’Octauus conuentus iuris romani : « Dante, la Divine Comédie et le droit. » L’œuvre majeure de Dante Alighieri (1265-1321) narre le périple imaginaire du poète dans un au-delà tripartite : y a-t-il « Comédie » à descendre en Enfer pour ensuite péniblement gravir la montagne du Purgatoire ? Oui si le mot désigne ici le recours – alors inédit en épopée – à la langue vernaculaire, en rupture avec le latin de Virgile, modèle et guide jusqu’au seuil du Paradis. S’il y aura peu d’élus, Dante s’adresse à tous les appelés dans le dialecte florentin qu’il songe à consacrer comme langue de l’Italie : non seulement gracieux pardon d’un exilé à la cité qu’il ne reverra jamais, mais surtout message universel que l’espérance peut être donnée à entendre en langue maternelle. Avec une conscience aiguë des vicissitudes temporelles et les épreuves vécues par le magistrat qu’il avait été et l’homme politique qu’il resta sa vie durant : car, avant le Jugement, il y a le monde sublunaire où les simples mortels ont bien de la peine à orienter leur libre arbitre. Sans éclairage suffisant malgré ou à cause de deux soleils concurrents : par méconnaissance de leurs domaines respectifs, le pouvoir temporel – un empire à nouveau appelé « romain » eût-il pu pacifier l’Italie ? – et le pouvoir spirituel – le Saint Siège – ne peuvent s’entendre à instaurer la paix et la concorde indispensables à l’épanouissement des vertus individuelles. Reste alors au pèlerin de l’Au-delà à se remémorer le grand précepte du droit romain formulé par Ulpien : suum cuique tribuere : « attribuer à chacun.e ce qui lui revient ». Non évidemment pour préjuger du jugement divin, mais en recourant à la méthode toute romaine des exempla édifiants : la cartographie de l’Au-delà se voit peuplée de cinq cents personnages identifiés, outre le grand nombre des anonymes, distribués entre Enfer, Purgatoire et Paradis, selon une stratigraphie très précise et documentée de leurs crimes, délits, actes de contrition ou vertus. Non sans nombre de paradoxes au regard de l’Histoire… Si la profession de foi du poète donne à considérer les péchés et les aléas sur le chemin de la damnation ou de la grâce, la mémoire de l’ancien magistrat banni ne peut qu’interpeller, voire inspirer le juriste, quelles que soient ses convictions spirituelles : songer à une correspondance entre le droit et la justice n’est-il pas toujours un pèlerinage taraudé par le doute même si animé par l’espoir ? Espérance que Dante situe au milieu de son parcours en proposant la figuration du Purgatoire la plus élaborée à la fin du Moyen-Âge, avant de revenir du Paradis pour délivrer à la postérité au moins cette preuve d’immortalité : celle de son œuvre.
Program:
- Laurence Pieropan (UMONS – FTI) : « Pierre Poirier (1889-1974), avocat, esthète et traducteur de la Divine Comédie: une spécificité francophone ? »
- Nina-Tatiana Noto-Millefiori (étudiante en Master en droit, ULB-UMONS) : extraits choisis en langue originale et en traduction ;
- Marie Ducoulombier (Master en Histoire de l’art, ULB) : « Le bestiaire mythologique de l’Enfer et la figuration de l’Au-delà dantesque »
- Wouter Druwé (KUL) : Dante et le Forum internum.
- Jean-Claude Laes (ULB) : « Religions tolérées ou interdites dans la Rome antique »
- Patrick Vassart (ULB) : introduction, contexte et synthèse
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