PHEDRA
Pour une
Histoire Européenne du DRoit des Affaires
Sano di Pietro, La
Madonna raccomanda Siena a Papa Callisto III, détail, 1456, Siena,
Pinacoteca Nazionale
Droit particulier, mais droit universel, tel semble être le
paradoxe apparent du droit des affaires. Ius
proprium, il l’est évidemment : c’est le droit propre aux affaires.
Pourtant, sa propension à l’universalité a clairement été mise en évidence : la
dimension transfrontalière du droit des affaires se révèle précocement,
conduisant à lui conférer une homogénéité et une porosité internationale qui
n’ont pas d’égaux. Cela est particulièrement vrai pour ce qui concerne
l’Europe. Des dynamiques de longue durée dans l'évolution du droit des affaires
– tant dans ses aspects normatifs que discursifs – ont investi l'ensemble du
continent, laissant des sillons homogènes qui ont considérablement influencé le
développement des cultures juridiques contemporaines, lesquels méritent, à nos
yeux, une confrontation approfondie et étendue, qui ne doit pas pour autant
nier les ruptures historiques et les diversités géographiques.
Cette dimension transfrontalière du ius mercatorum, lequel porte dans son nom même les caractères du
particularisme juridique, a conduit certains juristes contemporains à parler de
la lex mercatoria comme d'un ordre
juridique « anational »[1]. Cette qualification
par la négative a, selon nous, le défaut de faire abstraction du substrat
culturel propre à l’espace européen – au-delà de ses seuls aspects juridiques –
dans lequel le droit des affaires s'est façonné.
En effet, si ce droit profondément proprium a tendu vers l’uniformité à l'échelle européenne2,
les raisons de ce phénomène ne peuvent pas, sans doute, être trouvées
uniquement dans la force irréfrénable du marché. La seule analyse économique du
droit des affaires ne saurait suffire à en comprendre les dynamiques.
Au-delà des raisons de praticité, il semble donc
indispensable de s’interroger sur les ressorts historiques, culturels voire
anthropologiques, qui pourraient permettre de dégager des caractères européens
de l'évolution du droit des affaires. Il s’agit là d’un débat passionnant qui,
loin d’être clos – malgré d’importantes contributions –, a récemment été
rouvert de manière magistrale, dans une perspective d’ensemble, laquelle se
demandait si le droit européen a une histoire[2].
Partant de ces constats et de ces questionnements, nous
souhaitons lancer une réflexion d’ampleur sur l’histoire du droit des affaires
à l'échelle européenne. L’idée-force consiste à travailler sur la longue durée
(du Moyen Âge au XXIe siècle) et au niveau européen (Europe
continentale et insulaire) de façon structurée, sur les trajectoires du
développement du droit des affaires. Pour ce faire la constitution d'un groupe
de travail stable et ramifié, permettant le développement dans le temps d'une
réflexion approfondie et d’envergure, semble être l’instrument à la fois le
plus efficace et le plus prometteur.
(davantage d'informations ici)
[1] Filali OSMAN, Les principes généraux de la lex mercatoria
: contribution à l'étude d'un ordre juridique anational, Paris, 1992. 2
Albrecht CORDES, « The search
for a medieval Lex mercatoria », in
Vito Piergiovanni (ed.), From Lex Mercatoria to Commercial Law,
Berlin, 2005, p. 53-68.
[2] Alain WIJFFELS, Le droit européen a-t-il une histoire ? En
a-t-il besoin ?, Paris, Fayard [Leçons inaugurales au Collège de France],
2017.
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