WHAT Debt, being in debt and endebtedness in medieval texts/ Dette, endettement, et redevabilité dans les textes médiévaux, Workshop & Call for papers
WHEN April 29 2016
WHERE Nantes, University of Nantes
deadline January 31 2016
Les textes médiévaux sont parfois comparés à des excroissances de sources qui les précèdent,
envers lesquelles ils ont une dette, puisqu’ils y empruntent des éléments, s’en font les
passeurs et adaptateurs. La dette littéraire constitue indéniablement l’un des traits définitoires
de la production textuelle au Moyen Âge. Preuve en sont, entre autres, Lay le Freine et Sir
Launfal, des lais bretons moyen-anglais. Un autre aspect du contexte médiéval concerne
l’essor dans l’Occident chrétien à partir du XIIIe siècle d’un système économique florissant.
L’expansion économique, concomitante à la croissance urbaine, exerce une influence décisive
sur la conception chrétienne de l’argent et des contrats financiers (voir le Tractatus de
Contractibus de Pierre Jean de Olivi à la fin du XIIIe siècle).
Paradoxalement, dans ce
paysage où le commerce et les affaires prennent une place grandissante, les ordres mendiants
appellent au dénuement apostolique, et fustigent l’attrait des richesses et des biens matériels.
Rien d’étonnant, par conséquent, à ce que le fait de contracter une dette, aux yeux des
médiévaux, augure de la perte au sens moral du terme, et soit considéré comme un obstacle au
rachat de l’âme dans l’au-delà.
Dans Dives and Pauper, débat en prose sur le Décalogue composé au début du XVe siècle,
Pauper, le prêcheur pauvre dresse un sombre portrait des endettés (Vol. I, Part 2, Ninth
Precept, Ch. 7, p. 269, l.16-44). Condamnation de la cupidité et de la convoitise, le Neuvième
Commandement, tel qu’il est glosé par Pauper instruisant son riche interlocuteur, un laïc, sur
les questions scripturaires et spirituelles, aborde la notion problématique de la dette. À cette
étape de sa longue démonstration, il souligne le fait que la cupidité conduit irrémédiablement
à l’endettement et à des agissements illicites invariablement punis par le diable : “(…) so that
neyther for dred of God ne for schame ne for speche of the world they cesyn nout to borwyn
ne to getyn falslyche othir mennys good and so fallyn deppere & deppere in dette til at the
laste the fend sleth hem body and soule. And therfor loke that thu paye wel thin dettis whil thu
myght (…)” aux lignes 26-30. Sur le ton du conseil et de l’admonition, Pauper met Dives en
garde contre l’inéluctable décadence qui guette les âmes vénales. La dette a pour synonyme
une égarement moral, un aveuglement sans remède.
Les médiévaux méprisent dettes et débiteurs, ainsi que ceux qui vivent du prêt d’argent, les
usuriers, bien que le paiement d’une dette soit une obligation incontournable. Dans son
histoire de la dette (Debt: The First 5,000 Years, 2011), l’anthroplogue David Graeber nous
rappelle la contrainte morale que fait peser la dette, idée qui en réalité émerge avant
l’invention de l’argent. Promesse de paiement considérée comme sacrée au sens biblique du
contrat qui lie l’homme (Noé, par exemple) à Dieu, ou simplement deux individus, une dette
implique un lien, de nature financière mais aussi morale, qui fait du débiteur l’obligé du
créditeur, lequel se trouve en position de supériorité jusqu’à ce que la dette soit honorée ou
effacée/remise, comme c’est le cas dans The Franklin’s Tale : le clerc d’Orléans annule la
dette d’Aurélius (qui s’élève à 1000 livres) après que ce dernier a renoncé à exiger de Dorigen
qu’elle tienne parole.
En vers ou en prose, les textes médiévaux attestent l’importance de la notion de dette, qui
revêt plusieurs acceptions. En plus de sa signification d’ordre purement financier, la dette peut
être d’honneur, de gratitude, d’amour, ou envers la famille, les pairs, le groupe social. Une
dette peut aussi être de nature intellectuelle ou esthétique, lorsqu’un “auctor” rend hommage
(“paie son tribut”, au sens littéral) à ses sources, ou pas. Les romances, lais, épopées, vies de
saints, parmi d’autres genres, fournissent des exemples de ce que l’on entend par endettement
et redevabilité, et leurs différents sens.
C’est à travers le prisme de l’idée de dette, d’endettement, et de redevabilité que les
participants de cette Journée d’Étude sont invités à interroger tout texte médiéval, en vers ou
en prose, en langue anglaise ou dans une autre langue.
Les propositions de communications d’environ 250 mots, en anglais ou en français, sont à
remettre à agnes.blandeau@univ-nantes.fr pour le 31 janvier.
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