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04 June 2018

CALL FOR PAPERS: « La norme en sciences sociales : regards croisés histoire du droit - science politique » (Colloque Jeunes Cherch(eur)euses de l’IRM) (Bordeaux: MAY 2019): DEADLINE SEP 2018


(image source: univ-droit)

Colloque Jeunes Cherch(eur)euses de l’IRM
« La norme en sciences sociales : regards croisés histoire du droit - science politique »
 
 
         La norme constitue un présupposé implicite dans la connaissance des sociétés humaines (Durkheim, 2009 [1894]). Pour qui veut étudier un ordre social, elle est un point de référence obligé. Prise dans un sens large, la norme revêt, en effet, deux dimensions essentielles qui soulignent sa centralité (Labbé, 1994). La première est d’ordre ontologique : la norme renvoie à ce qui « est », ce qui est en vigueur dans une société donnée. Ainsi, elle représente une donnée préalable nécessaire, une réalité empirique sur laquelle se fonde toute analyse. La seconde dimension, arrimée au concept de norme, est d’ordre structurel : ici l’accent est porté sur le rôle organisateur de celle-ci dans l’ordre social. La dynamique de toute société s’articule en fonction des normes qui la composent et qui règlent, déterminent et sanctionnent la vie en société.
 
Au regard de ces deux propriétés, la norme occupe donc une place fondamentale dans l’analyse des sociétés humaines. Aussi, cette importance justifie l’intérêt porté à son égard : la norme est interrogée dans le cadre de réflexions théoriques et de manifestations scientifiques. Celles-ci visent, à chaque fois, à éclairer cet objet à la fois noyau et condition de toute compréhension de l’ordre social. Cependant, un tel intérêt se heurte à une difficulté majeure : celle de l’appréhension de la norme. Intuitivement associée à l’idée de « règle de conduite » collective et sanctionnée, la norme apparaît fuyante dès que l’on se penche sur elle. Cet aspect se dévoile dans la polysémie à laquelle la norme est liée et dans la variété de ses usages. Ainsi, la norme est plurale et mouvante dans le temps et dans l’espace. Chacune de ses formes semble, en outre, être régie par ses propres règles : une norme sociale n’obéit pas aux mêmes principes qu’une norme juridique. Cette pluralité nous invite aussi à questionner la pertinence du singulier : peut-on parler de la norme ou doit-on parler des normes (Leca, 2015 ; Giavarini 2017) ?
 
La diversité du phénomène normatif est donc source de complexité mais aussi de débats. L’un des écueils serait pourtant de vouloir parvenir à une définition unique et consensuelle de la norme. Partant, l’enjeu consiste, à travers le dialogue pluridisciplinaire, à éclairer celle-ci sans céder à la tentation de l’identité conceptuelle. Tel est le projet de ce colloque organisé par l’Institut de Recherche Montesquieu : assumer le caractère mouvant de la norme, tout en souhaitant parvenir à une meilleure intelligibilité de celle-ci. L’intérêt d’une telle rencontre réside, plus particulièrement, dans la volonté de circonscrire une telle étude au regard de deux disciplines : l’histoire du droit et la science politique. Partant, un dialogue conjoint semble fournir un cadre idéal pour une meilleure appréhension du phénomène normatif. La norme, objet d’étude commun, semble en effet tiraillée entre deux approches parfois contradictoires.
 
Dans une perspective idéal-typique : les politistes s’intéressent à la norme dans une optique principalement processuelle, dans la mesure où la science politique se penche sur la dynamique de l’émergence des contraintes sociales institutionnalisées. Néanmoins, les normes ne se réduisent pas nécessairement à la seule contrainte formelle, institutionnalisée dans l’État. Une grande partie du corpus normatif provient de règles implicites intériorisées par les individus qui, dans des processus complexes d’interactions, s’inscrivent dans un temps long et participent de la « civilisation des mœurs » (Elias 1973). Par conséquent, la science politique porte également un regard sur la manière dont les individus s’auto-contraignent par des habitudes régulières au sein d’interactions sociales, mais non formalisées d’un point de vue juridique.

L’historien(ne) du droit, quant à lui (elle), appréhende les sources juridiques dans une perspective rétrospective et prospective (Halpérin, 2013). Il suit alors l’évolution de celles-ci dans un cadre spatio-temporel et s’interroge sur cet environnement au sein duquel elles sont pensées, élaborées et appliquées. Le choix de cet environnement détermine les réponses apportées aux questions inhérentes à la norme en termes d’acteurs (le droit des affaires est un exemple éloquent sur la question Hilaire, 1995), d’historicisation et de matériaux utilisés pour aboutir à une analyse éclairante.
 
Le dialogue de ces deux disciplines propose ainsi un dépassement de la simple narration au profit de l’analyse constructive. Cependant, une telle réflexion implique de questionner l’historien(ne) du droit et le ou la politiste sur leurs méthodes, leurs choix et donc, leur appareil critique. Parce qu’histoire du droit et science politique appréhendent différemment le phénomène normatif, nous postulons que la norme ne sera pas entendue de la même manière. Pour autant, cela ne doit pas vouloir dire qu’il s’agit de champs antagonistes, voués à répandre leurs expériences et savoirs dans des conclusions qui leurs seraient réservées. C’est pour mieux saisir la norme en tant qu’objet social que l’on entrevoit toute l’acuité à vouloir croiser les regards des politistes et des historiens du droit sur ce sujet. Une attention particulière sera ainsi accordée à la dimension épistémologique : comment l’historien(ne) du droit et le ou la politiste, au travers de leurs analyses, appréhendent le phénomène normatif ?
 
Les réflexions pourront ainsi porter sur la norme en tant que telle – qu’elle soit juridique, sociale, morale, etc. – ou sur les différents « moments » du processus normatif. Qu’elles soient appréhendées par les historiens du droit ou les politistes, les normes obéissent à une commune structure temporelle dont la réflexion (doctrinale), l’élaboration et l’application sont les trois piliers.
Dans la perspective de favoriser le dialogue conjoint entre histoire du droit et science politique, la norme sera aussi envisagée in media res : il s’agira de contextualiser le processus normatif afin de mettre en avant le rapport dialectique qui se noue entre les deux (par exemple, Frydman, 2016). En effet, tout contexte porte en lui des facteurs – multiples et protéiformes – qui agissent sur le processus normatif au cours de ses différents « moments ». Tout au long de son existence, la norme est donc déterminée par des éléments extérieurs à elle. Inversement, la norme agit sur le contexte dont elle dépend. Les trois « moments » du processus normatif portent en eux des effets qu’il convient d’appréhender. Aussi, le dialogue sur la norme, par une approche commune de l’histoire du droit et de la science politique, doit se nourrir d’un cadre concret d’étude. Trois axes, au carrefour des deux disciplines, paraissent pertinents pour comprendre l’ampleur du phénomène normatif : le pouvoir, la religion et le voyage.
 

Norme(s) et pouvoir


Cet axe de réflexion s’intéresse à l’interdépendance entre le pouvoir politique et les normes. Alors que le pouvoir politique s’appuie sur diverses normes pour prendre forme, l’existence même de ces normes est souvent liée à celle d’un pouvoir politique contraignant capable de les appliquer, de les abolir ou de les transformer (Foucault, 1975). La relation entre ces deux notions implique une dialectique singulière qui intéresse à la fois le regard des juristes, historien(ne)s du droit et celui des politistes. Prenons, par exemple, le processus de codification qui a lieu sous Napoléon Ier autour du Code civil. Malgré une volonté manifeste de dépolitiser le travail juridique sur les corpus pour les rendre plus objectifs (Portalis, [1801]), ces mêmes corpus sont néanmoins issus d’une vision profondément politique de la société, dont les élites napoléoniennes sont les vecteurs. Nous trouvons donc là un rapport ambivalent à la norme, juridique en l’occurrence, vis-à-vis du pouvoir politique. Les communications pourront explorer ce rapport à la lumière des trois « moments » de la norme que sont sa réflexion, son élaboration et son application. Les contributions pourront tout aussi bien s’intéresser aux revendications politiques, aux réflexions doctrinales ou, plus largement, aux rapports de force juridico-politiques qui accompagnent l’interaction entre les normes et le pouvoir politique. 

Norme(s) et religion

 
Dans les Institutions divines, Lactance définit la religion comme le lien qui rattache les humains à Dieu, comme à toute forme de transcendance. Cette conception de la religion peut s’incarner à travers une vision du monde, un discours, ou une manière d’être. Ces éléments traduisent non seulement la verticalité des rapports entre les personnes et la divinité, mais également la dimension plurale et transcendantale de ces rapports. Ainsi, l’objectif est d’analyser la manière dont ces aspects se conjuguent avec les trois temps de la norme. Dans un premier temps, lors de son processus de réflexion, en examinant l’influence de la religion dans les présupposés ontologiques des penseurs de la norme (Timsit, 1991) ; tel peut être l’exemple de l’influence du christianisme dans l’émergence de la culpabilité en droit pénal, ou du protestantisme dans l’émergence du capitalisme (Weber 1985 [1904-1905]). Dans un second temps, lors de son élaboration, que ce soit par les acteurs institutionnels, non-institutionnels ou hybrides, comme en témoignent le syncrétisme communiste et le néoconfucianiste en Chine, les prescriptions juridiques dans le salafisme ou encore les tribunaux islamiques en Angleterre. Enfin, dans son application, qu’il s’agisse de son effectivité, de sa sanction ou de sa réception, comme le démontre l’influence de l’Index librorum prohibitorum sur l’application de la norme par les magistrats. L’influence de la religion n’a pas manqué de susciter critiques et résistances, d’où la nécessité de les prendre en compte, elles-aussi, comme piste de réflexion. 
 

Norme(s) en voyage

 
L'objectif de cet axe est d'aborder la norme dans sa relation avec la sphère internationale. Dans un monde globalisé, la norme est effectivement un objet en constante redéfinition que les acteurs étatiques incorporent quotidiennement. Pour cela, deux orientations principales – mais non exhaustives - seront privilégiées. La première concernera « la norme internationale », telle qu’elle est couramment admise aujourd’hui, c'est-à-dire la norme d'un point de vue supra-étatique. Les États sont effectivement en contact permanent avec une multitude de normes, aussi différentes soient-elles, avec lesquelles ils interfèrent. En ce sens, quelle est la place de la norme internationale dans le comportement des États ? La seconde orientation souhaitée portera, quant à elle, sur « la circulation de la norme » (Galindo, 2014), c'est-à-dire de territoire en territoire. Comment les normes se diffusentelles au gré des interactions entre les différents espaces concernés ? Il conviendra alors d'analyser les modalités de circulation de la norme entre les différentes aires géographiques – émettrices et réceptrices de normes (Bourdieu, 2002) pour illustrer le phénomène de norme(s) en voyage.

Bibliographie indicative


BECKER, Howard Saul, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Éditions Métailié, 1985. 

BOURDIEU, Pierre, « Les conditions sociales de la circulation internationale des idées », in Actes de la Recherche en Sciences Sociales, vol. 145, décembre 2002, p. 3-8.

DURKHEIM, Émile, Les règles de la méthode sociologique, (1894), Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2009. 

ELIAS, Norbert, La civilisation de mœurs, Paris, Calmann-Levy, Archives des sciences sociales, 1973.

FOUCAULT, Michel, « La Vérité et les formes juridiques », in Dits et Écrits, tome I, n°139, 1974, p. 538-646. 

FRYDMAN, Benoit, « L’ordre juridique : un concept historiquement situé », in Laurent-Bonne, Nicolas et Prévost, Xavier (dir.), Penser l’ordre juridique médiéval et moderne. Regards croisés sur les méthodes des juristes (I), Paris, LGDJ, 2016, p. 43-55.

GIAVARINI, Laurence (dir.), Pouvoir des formes, écriture des normes, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2017.

GALINDO George, « Legal Transplants between Time and Space », dans Duve Thomas (ed.), Entanglements in Legal History: Conceptual Approaches, Max Planck Institute for European Legal History, Frankfurt am Main, 2014, p. 129-148.

HALPÉRIN, Jean-Louis, « Droit et contexte du point de vue de l’histoire du droit », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, vol. 70, 1 (2013), p. 117-121.

HILAIRE, Jean, Le droit, les affaires et l’histoire, Paris, Économica, 1995.

KELSEN, Hans, Théorie pure du droit, (1934), Paris, LGDJ, 1999.

LABBÉ, Xavier, Les critères de la norme, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1994.

LACTANCE, Institutions divines, (début IIIe siècle), Paris, Éditions du Cerf, coll. « Sources chrétiennes », 1973.

LECA, Antoine, Formation et transformations du droit français. Des origines au XXIe siècle, Paris, LexisNexis, 2015.

PORTALIS, Jean-Étienne-Marie, Discours préliminaire du premier projet de Code civil, (1801), Bordeaux, Éditions Confluences, 1999.

SCHMITT, Carl. La notion du politique - Théorie du partisan. Paris, Flammarion, 1992. 

TIMSIT, Gérard, Les noms de la loi, Paris, PUF, 1991.

WEBER, Max, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, (1904-1905), Paris, Presses-Pocket, Agora, 1985.


Modalités d’organisation du colloque


L’objectif global de cette manifestation scientifique étant d’encourager le dialogue interdisciplinaire, l’organisation du colloque se fera selon les modalités suivantes : 

-          Les intervenant(e)s du colloque seront réparti(e)s en panels thématiques suivant les orientations retenues parmi les trois axes de l’appel à communications ;
-          Outre les intervenant(e)s, les panels comportent deux discutant(e)s en provenance des deux disciplines concernées (histoire du droit / science politique) dont la tâche sera de lire au préalable les travaux des intervenant(e)s et d’en fournir une analyse critique en se fondant sur le(s) cadre(s) scientifique(s) mobilisé(s) ;
-          Afin de favoriser le dialogue interdisciplinaire, les politistes seront invités à lire et à discuter les travaux des historien(ne)s du droit et inversement ;
-          Les discussions porteront sur les enjeux épistémologiques et méthodologiques communs qui relient nos deux disciplines institutionnelles au socle commun des sciences sociales : travail d’archives, entretiens, paradigmes/concepts mobilisés, objectifs poursuivis par les approches, etc. 

Afin de concrétiser l’interdisciplinarité, les intervenant(e)s retenu(e)s devront prévoir une communication de 15 minutes et envoyer leurs versions écrites à destination des discutant(e)s (entre 25 000 et 30 000 signes maximum, espaces comprises) selon le calendrier suivant : 

-          Fin de l’appel à communication                  : septembre 2018 ;
-          Date de sélection                                        : novembre 2018 ;
-          Date limite d’envoi des contributions écrites           : février 2019 ;
-          Colloque                                                    : mai 2019.


            Modalités d’envoi des propositions de communication 

             
            Les propositions devront contenir : 
-          Le titre de la communication ;
-          Un court résumé de 500 mots maximum précisant un des trois axes dans lequel s’inscrit la communication ;
-          Les coordonnées institutionnelles et une courte description des recherches menées.


Modalités pratiques et financement 


 Le colloque aura lieu courant mai/juin 2019 à l’Université de Bordeaux, campus de Pessac, et se déroulera sur deux journées. Le comité d’organisation du colloque prendra en charge les remboursements des billets de trains / frais de logement à hauteur de 150 euros forfaitaires. Les communications écrites feront l’objet d’une publication à la charge du comité d’organisation (les versions écrites seront susceptibles de devoir être adaptées aux normes éditoriales). 

            Pour tout renseignement complémentaire : colloqueirm@icloud.com



Comité d’organisation

 
David BERTRAND (doctorant en science politique – Institut de Recherche Montesquieu)
Pierre BOURGOIS (doctorant en science politique – Institut de Recherche Montesquieu)
Thibaut DAUPHIN (doctorant en science politique – Institut de Recherche Montesquieu)
Clémence FAUGÈRE (doctorante en histoire du droit – Institut de Recherche Montesquieu)
Alexandre FRAMBÉRY (doctorant en histoire du droit – Institut de Recherche Montesquieu)
Pauline GIRARD (doctorante en histoire du droit – Institut de Recherche Montesquieu)
Badr KARKBI (doctorant en science politique – Institut de Recherche Montesquieu)
Victor LE BRETON-BLON (doctorant en histoire du droit – Institut de Recherche Montesquieu)
Nicolas MÉDAN (doctorant en histoire du droit – Institut de Recherche Montesquieu)
Marco MELLINA (doctorant en histoire du droit – Institut de Recherche Montesquieu)
Alizée MIRANDA (doctorante en histoire du droit – Institut de Recherche Montesquieu)
Clément RODIER (doctorant en science politique – Institut de Recherche Montesquieu)
Rafael SUGUIMOTO (doctorant en histoire du droit – Institut de Recherche Montesquieu)
Claire VACHET (doctorante en histoire du droit – Institut de Recherche Montesquieu)
Marine VETTER (doctorante en histoire du droit – Institut de Recherche Montesquieu) Roman VOLKOV (docteur en science politique – Institut de Recherche Montesquieu)

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