Séminaire 2024-2025
Ethnologies
juridiques en contextes précolonial, colonial et postcolonial (Temps modernes-xxe siècle)
Laetitia
Guerlain, Université de Bordeaux,
IUF
Florence
Renucci, CNRS, IMAF
Baudouin
Dupret, CNRS, LAM
Ce
séminaire vise à comprendre comment les acteurs des nations colonisatrices
(missionnaires, administrateurs coloniaux, juristes praticiens ou
universitaires, etc.) appréhendent les systèmes normatifs des territoires avant
la colonisation, pendant celle-ci puis après, en contexte de décolonisation.
Dans les différentes parties des (futurs) territoires coloniaux, comment les
Occidentaux font-ils leur « apprentissage [de] normes juridiques »,
souvent liées à la religion, et d’esprit comme de forme parfois très
éloigné(e)s de leur propre culture juridique ? Du côté des colonisateurs, la
compréhension des normes locales était souvent un préalable indispensable au
contrôle des sociétés colonisées. Dans nombre de territoires, les magistrats,
par exemple, étaient compétents pour appliquer une partie de ces normes locales
dans des litiges impliquant des autochtones. Mais, de manière plus générale,
l’intérêt de certains acteurs pour les normes locales a pu donner lieu à une
production savante de type ethnologique décorrelée des enjeux de domination
coloniale. Loin de la dialectique entre savoir et pouvoir, certains
universitaires ont en effet tiré profit des travaux sur les droits locaux pour
retravailler la problématique de la classification des droits dans le cadre
d’un droit comparé élargi.
Dans
une perspective d’histoire des savoirs, ce séminaire souhaiterait repérer la ou
les manières dont les normes locales ont été appréhendées et retravaillées.
Dans les différentes zones des empires coloniaux, qui sont les acteurs des
balbutiements de l’ethnologie juridique et dans quelles généalogies
s’inscrivent-ils ? De quelle manière, par qui et avec quelle méthodologie
(traductions, questionnaires, informateurs, intermédiaires) des enquêtes sur
ces normes ont-elles été réalisées ? À quels types de productions savantes
ces travaux ont-ils donné lieu (récits de voyage, manuels d’enseignement,
articles dans des revues spécialisées, littérature grise, etc.) ? Quels étaient les liens des juristes avec les
ethnologues ? Dans quels organismes et avec quels soutiens et financements
menaient-ils leurs travaux ? Quelles ont été les différentes étapes de la
constitution des savoirs ethnologiques sur le droit ? (enseignements,
disciplinarisation, création de revues ou de collections éditoriales dédiées,
création de chaires ou d’institutions, etc.). Cette question est d’autant plus
importante que la production savante sur les droits locaux était fréquemment,
par la suite, enseignée dans diverses institutions, figeant ainsi une certaine
vision de ces normes, parfois transmises aux étudiants autochtones eux-mêmes.
Pour
envisager toutes ces questions, ce séminaire souhaite opérer un double
décloisonnement.
·
Tout d’abord, loin de nous
cantonner à l’espace colonial français, nous souhaitons comparer l’histoire de
l’ethnologie juridique dans les différents empires coloniaux, en mettant
l’accent sur les liens et les influences réciproques entre les pratiques des
différentes nations colonisatrices (liens individuels entre juristes, rôle des
congrès internationaux, etc.).
·
Nous souhaitons également franchir
la ligne de démarcation entre les temps précoloniaux et coloniaux d’une part et
entre les temps de la colonisation et de la décolonisation d’autre part, en
interrogeant les transformations des savoirs juridiques sur les droits locaux à
l’heure des indépendances. Comment l’ethnologie juridique a-t-elle survécu à la
fin des empires coloniaux et par quels biais ? (ORSTOM, coopération,
idéologie du développement, etc.). Qu’ont fait les États devenus indépendants
de leurs normes transformées par la colonisation et quel a été le rôle des
juristes français, particulièrement dans le cadre de la coopération ?
(processus de codification des années 1960-1970, transformations de
l’enseignement du droit, etc.)
Programme
Séance 1 – 17 février 2024, 10h-12h
Lena Foljanty
(Université de Vienne), Classification
et exotisme : les représentations de l'Asie orientale dans les débuts de
l'anthropologie juridique en Allemagne
Séance 2 – 24 mars 2024, 10h-12h
Kentaro
Matsubara (Université de Tokyo), The
study of Chinese customary law in Japanese jurisprudence: colonial rule and
legal scholarship
Séance 3 – 24 avril 2024, 10h-12h
Tsung-Mou Wu
(Institutum
Iurisprudentiae, Academia Sinica), L'ethnologie et le façonnage du droit à
Formose/ Taïwan
Séance 4 – 26 mai 2024, 10h-12h
Bérengère Piret (Université Saint-Louis –
Bruxelles/ Archives générales du Royaume de Belgique), « Fournir un guide à ces centaines de juridictions
créées ». Le Bulletin des
juridictions indigènes, vecteur des coutumes judiciaires
Séance 5 – 23 juin 2024, 10h-12h
Monica Cardillo
(Université de Nantes), L’anthropologie au service du programme
colonial (comparaison France-Italie)
Le séminaire se tiendra en zoom. Contactez les organisateurs pour l'ID de réunion et le code secret.
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