WHAT Histoire de l'Economie sans Travail.Finances, Investissement, Spéculation de l'Antiquité à nos Jours, cycle de colloques
WHEN December 2015/June 2017
WHERE Centre aquitain d'Histoire du Droit, Université de Bordeaux, Centre d’Histoire Judiciaire, Université Lille 2, Institut d'Histoire du Droit, Université Paris 2-Panthéon-Assas
Comité scientifique
- Luisa Brunori, Centre d’Histoire Judiciaire-Université Lille 2
- Serge Dauchy, Centre d’Histoire Judiciaire-Université Lille 2
- Olivier Descamps, Université Panthéon-Assas
- Xavier Prévost, Université de Bordeaux
La difficile conjoncture des premières années du troisième millénaire semble demander un regard de grande ampleur sur les dynamiques qui ont conduit à des phénomènes - la crise de 2008, la crise des subprimesou les bulles spéculatives – qui restent encore largement à décrypter.
Au-delà des approches dictées par l’urgence, les aspects constitutifs des systèmes économico-juridiques contemporains, de moins en moins référés au travail humain et de plus en plus orientés vers la rémunération d’activités spéculatives, demandent désormais de faire l’objet d’une réflexion approfondie vouée à recentrer les questions et les enjeux.
L’« économie sans travail », à savoir la masse d’opérations financières rémunératrices ni du travail humain ni d’un échange de biens, a aujourd’hui un impact extraordinaire sur l’agencement socio-économique contemporain. Elle peut aller jusqu’à le mettre en danger tout en questionnant de nombreux principes fondateurs de la justice substantielle ou « distributive » qu’on considère à la base de nos systèmes institutionnels.
Les outils juridiques de cette « économie sans travail » sont effectivement voués à la rémunération d’un quid ontologiquement très différent des prestations qui font l’objet des relations synallagmatiques classiques (le travail, l’échange de biens). Il s’agit, selon les cas, de rémunérer la capacité de prévision (dans les contrats, par exemple, defutures, de warrants, d’option), le transfert du risque (dans les dérivés de crédit, les assurances), ou la mise à disposition du capital (participations de capital en sociétés, marché actionnaire, etc.).
Cela conduit nécessairement à s’interroger sur la justification de cette rémunération ; justification à laquelle on ne peut pas renoncer, non seulement dans les relations entre les particuliers mais dans tous les aspects du droit de l’économie.
Le regard historique paraît nécessaire pour la compréhension de ces phénomènes, d’autant plus que ces questionnements se posent de longue date aux acteurs institutionnels. Mais la réflexion historique ne peut être qu’interdisciplinaire, compte tenu des superpositions réciproques et complexes de problématiques juridiques, économiques et philosophiques impliquées dans ce thème.
Ainsi, on observe qu’à partir de la distinction aristotélicienne entre « économie » et « chrématistique », le souci d’assurer la justice commutative à l’intérieur de la communauté a toujours imposé une réflexion sur la valeur de l’argent et sur son rôle dans les échanges entre les personnes. L’idée de la stérilité de l’argent, ultérieurement développée par la pensée thomiste, a provoqué depuis l’Antiquité et tout au long du Moyen Âge, une méfiance, voire une défiance, envers la rémunération des capitaux monétaires non accompagnée par le travail humain.
La conception de la valeur de l’argent est donc la base des théories condamnant ou justifiant la rémunération des opérations spéculatives. Cette conception change complètement à partir du XVIème siècle avec l’abandon progressif de l’idée de la stérilité de l’argent. L’argent devient un facteur productif de richesse lorsqu’il est injecté dans le circuit économique, représentant donc une valeur comme bien. En conséquence, dans un système de droit des contrats qui se veut cohérent, la mise à disposition de l’argent ou la soumission au risque de son capital, doivent non seulement être encouragées pour le bien-être de toute la communauté, mais doivent également être rémunérées même si elles ne sont pas accompagnées d’un travail personnel.
Cependant, ce changement radical de conception n’a jamais fait perdre de vue la nécessité d’un encadrement de ces activités spéculatives. Le danger d’une dégénérescence de ces opérations économiques qui, de productives de richesse peuvent devenir destructives, s’est fait jour bien avant les crises du début des années 2000. Si l’encadrement était à l’origine (XVIème siècle) d’ordre moral, progressivement la science juridique, économique et philosophique a dégagé des outils techniques voués à empêcher les effets pervers d’une utilisation déréglée de l’« économie sans travail ».
Les aspects normatifs des échanges spéculatifs sont donc devenus l’objet d’une analyse scientifique de la part des juristes, des économistes mais également des philosophes. Le respect de la justice contractuelle et de l’équilibre des prestations économiques même dans un contexte de plus en plus « capitaliste » est un des soucis majeurs des sciences sociales depuis le XVIIIème siècle. Il reste encore aujourd’hui un des enjeux majeurs des sociétés contemporaines.
II – Objets de l’enquête
La recherche s’articule autour de quatre volets thématiques :
1) Les sources intellectuelles (Paris, 2 décembre 2015)
Les grands courants de la culture juridique, économique et philosophique concernant la nature et la valeur des opérations spéculatives seront ici abordés.
A) C’est le monde gréco-latin qui perçoit en premier le problème de la justice commutative qui doit guider tous les échanges à l’intérieur de la communauté. Dans ce contexte, naît la distinction entre l’activité dont la finalité est de répondre aux besoins humains, nommée « activité économique », et celle ayant pour but l’accumulation d’argent, dénommée « chrématistique ». Seule la première correspond à l’idée decommutatio et est donc légitime et juste.
Au Moyen Âge également la doctrine économique et juridique s’inscrit principalement dans la thématique de la justice commutative, critère général qui doit déterminer le droit des particuliers. Le droit médiéval et canonique se fondent sur le postulat aristotélicien-thomiste quepecunia non parit pecuniam : ce qui en résulte est la négation du profit et de l’intérêt en cas de financement exclusivement monétaire d’une opération économique qui ne peut que donner lieu à des opérations usuraires. C’est donc la conception de la valeur de l’argent qui est en cause, et cela encore plus à la fin du Moyen Âge quand la monnaie recommence à circuler et les premières banques voient la lumière.
B) Les grandes découvertes conduisent à une véritable révolution économique qui remet en cause tout l’équilibre classique des relations synallagmatiques. L’« économie sans travail » éclate, les opérations purement spéculatives (assurances, change, commissions, participation exclusivement monétaire à une société commerciale…) se multiplient.
La conception de la valeur de l’argent change complètement, le capital devient facteur productif de richesse qui doit être rémunéré. En conséquence, toute la théorie des contrats doit être revue, notamment en ce qui concerne la rémunération du capital et du risque. Dans ce contexte, la théologie et l’éthique sont également appelées à s’adapter, mais aussi à encadrer ce nouvel esprit du capitalisme naissant.
Mais c’est surtout le XIXe siècle qui devra se mesurer à la maturité du capitalisme, ce qui se traduit dans le milieu juridique par la reconnaissance du capital emportant des effets juridiques, par la prise de risque comme véritable prestation devant être rémunérée et par l’intervention des pouvoirs publics dans l’encadrement des activités spéculatives. Le relais passe donc aux juristes positivistes appelés aujourd’hui à replacer l’« économie sans travail » - grâce aux outils du droit de l’économie et du droit fiscal - dans un cadre de justice substantielle. C’est aussi le cas des économistes qui explorent ce domaine au prisme des thèses de l’économie du droit.
2 – Les acteurs, Université de Bordeaux, 1 avril 2016
3 – Les résolutions des controverses, Université de Lille 2, 18 novembre 2016
4 – L’approche internationale, Villa Finaly, Florence (Italie), 7-8-9 juin 2017
3 – Les résolutions des controverses, Université de Lille 2, 18 novembre 2016
4 – L’approche internationale, Villa Finaly, Florence (Italie), 7-8-9 juin 2017
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