L’abolition dans l’histoire de la justice (Robert Badinter) (DOI 10.3917/rhj.034.0007)
Introduction: le "moment Beccaria" (Sylvie Humbert) (DOI 10.3917/rhj.034.0013)
Partie I. Les prémices de l'abolition
La grâce judiciaire en France au dernier siècle de l’Ancien Régime : essai de mise en perspective de la miséricorde et de l’abolition (Antoine Meissonnier & Reynald Abad) (DOI /10.3917/rhj.034.0021)
Abstract:
Le dernier siècle de l’Ancien Régime se caractérise à la fois par l’emploi régulier de la grâce en justice criminelle et par la naissance d’un débat sur l’abolition de la peine de mort. Il serait faux d’en déduire que la grâce a préfiguré, voire préparé l’abolition. Mais, pour le comprendre, encore faut-il savoir en quoi consiste la grâce de cette époque : c’est ce que cet entretien se propose de faire découvrir, en examinant les aspects juridiques de la grâce, mais aussi ses aspects sociaux, qui sont d’une importance capitale pour la société d’Ancien Régime. Appuyé sur une bonne connaissance de la grâce, il devient alors possible de mettre en perspective la miséricorde et l’abolition à la veille de la Révolution.
« La peine de mort n’est donc pas un droit. » La décision abolitionniste de Beccaria (Philippe Audegean & Dario Ippolito) (DOI 10.3917/rhj.034.0031)
Abstract:
Dans Des délits et des peines, Beccaria s’émancipe des présupposés culturels qui soutenaient la légitimité de la peine de mort : l’autorité de la tradition, l’idéologie de la sanction exemplaire, le rétributivisme, l’organicisme, l’identification de l’ennemi et du délinquant. Libéré de ces automatismes intellectuels, il développe un argumentaire abolitionniste fondé sur une nouvelle conception de la peine, envisagée comme instrument de la liberté du citoyen et non comme instrument de pouvoir du souverain. Déduit du modèle individualiste du contrat social, cet argumentaire repose sur un double principe d’économie pénale et de priorité accordée à la protection de la vie. Il débouche sur une inversion du paradigme pénal de la guerre : aux yeux de Beccaria, c’est l’exécution capitale et non le crime qui est un acte de guerre.
La justice patibulaire dans le doute beccarien. Esquisse d’une philosophie abolitionniste (Michel Porret) (DOI 10.3917/rhj.034.0043)
Abstract:
Sous l’Ancien Régime, le droit de punir est « patibulaire », car l’échafaud et les peines corporelles sont au cœur des pratiques répressives. Or, au temps des Lumières, la critique de la « justice patibulaire » mène Beccaria à penser l’abolition définitive de la mort pénale. Il affirme que la peine de mort est moins un droit qu’un acte de barbarie étatique, car elle n’est ni préventive, ni correctrice. Le doute beccarien met définitivement hors jeu la rétribution pénale, incompatible avec l’État libéral et le devenir des Lumières.
Les femmes aussi... (Jean-Pierre Royer) (DOI 10.3917/rhj.034.0053)
Abstract:
Dans un ouvrage sur la peine de mort, il est apparu indispensable de consacrer une réflexion aux femmes qui, entre le xviiie et le xxe siècle, ont dû affronter ce même supplice, pour connaître les raisons et les motifs de leurs gestes par rapport à ceux des hommes, les moyens et méthodes mis en œuvre, les juridictions saisies et les sanctions prononcées, leurs attitudes face à la mort et celles du public assistant aux procès et aux exécutions, celles aussi des bourreaux, en somme s’il existe une spécificité de la criminalité féminine, autant dans l’acte que dans ses conséquences.
Transition chronologique. Peine de mort, débats parlementaires et révolutions (France, 1791-1848) (Hervé Leuwers) (DOI 10.3917/rhj.034.0067)
Abstract:
Le Dei delitti e delle pene, de Beccaria, et plus encore sa libre traduction par l’abbé Morellet (Traité des délits et des peines), a provoqué un premier élan abolitionniste en Europe, marqué par la suppression de la peine de mort en Toscane, dès 1786. Le mouvement s’étend à la France des années 1790, puis se poursuit et se transforme dans la première moitié du xixe siècle. Il ne s’agit pas ici de retracer de nouveau ces prémices de l’abolition [1] ; par quelques jalons chronologiques, associés à un choix de textes clés, l’objectif de cette « transition » est de souligner le lien étroit entre l’émergence d’une attente abolitionniste et des débats parlementaires qui, pendant les révolutions françaises des années 1790 et de la première moitié du xixe siècle, ont conduit à une abolition différée (1795), avortée (1830), puis partielle (1848) de la peine de mort. Dans ces trois entreprises, l’ambition affichée s’inscrit dans un contexte de sortie espérée de Révolution.
II. Vers l'abolition en France
De la Belle Époque à l’après-guerre : l’hiver abolitionniste de la France (Nicolas Picard) (DOI 10.3917/rhj.034.0077)
Abstract:
De l’échec du projet d’abolition de 1908 à la fin des années 1940, le militantisme hostile à la peine de mort entre, en France, dans un relatif sommeil, alors qu’il avait été particulièrement actif à la fin du xixe siècle. Si l’ombre des conflits mondiaux et des totalitarismes explique ce retrait, cela ne suffit pas à épuiser les explications. L’influence de la criminologie et de l’eugénisme, comme la division et la déstabilisation des forces de gauche, ont également une part de responsabilité au cours de cette période. Cependant, dans le même temps, les mutations de la pensée chrétienne, discrètes dans un premier temps, sont l’un des éléments favorisant le renouveau abolitionniste après 1945.
L’abolition de 1981 au prisme de l’exposition, entre savoir et mémoire (Olivier Bosc) (DOI 10.3917/rhj.034.0097)
Abstract:
Le quarantième anniversaire de l’abolition de la peine de mort en France a offert à la Bibliothèque nationale de France l’opportunité de s’attacher d’une façon toute particulière à la personne de Robert Badinter. Ainsi la bibliothèque de l’Arsenal, troisième site parisien de la BNF, a conçu et accueilli dans ses salles l’exposition « Une passion pour la justice. Dans la bibliothèque de Robert Badinter » et a rendu toute sa profondeur historique au sujet de la peine de mort et de son abolition.
Le combat d’un homme blessé (Basile Adler) (DOI 10.3917/rhj.034.0103)
Abstract:
L’abolition en France est intimement liée à la venue, à deux reprises, d’un avocat devant une même cour d’assises, en l’occurrence celle de Robert Badinter devant la cour d’assises de Troyes. L’exécution de Bontems, qui n’avait pas tué, puis le sauvetage de la tête de Patrick Henry, par cette même cour, à près de cinq années de distance, a enfin entrainé la France vers l’abolition. Robert Badinter a compris entre ces deux procès que c’était le procès de la peine de mort qu’il fallait faire, et pas simplement défendre l’accusé. C’est ensuite le courage politique du candidat Mitterrand, qui, une fois élu, choisit Robert Badinter pour porter la loi qui allait entrer dans l’histoire. Le chemin de l’abolition en France, c’est, ainsi, l’histoire de la rencontre de deux avocats qui étaient aussi deux grands politiques.
Le dernier condamné à mort en France. Étude du dossier de Hamida Djandoubi, exécuté à la prison des Baumettes (Marseille, 25 février 1977) (Denis Salas) (DOI 10.3917/rhj.034.0115)
Abstract:
Après l’étude du dossier du dernier condamné à mort en France, en 1977, cet article analyse le témoignage longtemps resté confidentiel d’une magistrate ayant assisté à cette exécution, Monique Mabelly. Il est complété par une double contextualisation politique et judiciaire, afin de comprendre dans quelles conditions cet homme a été exécuté et pourquoi il est le dernier à l’avoir été avant l’abolition de la peine de mort par la loi du 9 octobre 1981.
Témoignages
La peine de mort en questions : dialogue avec mon père Armand Lemaire (1922-2017) (Philippe Lemaire) (DOI 10.3917/rhj.034.0139)
La condamnation de Moussa Benzahra Témoignage d’ Élisabeth Delatte (DOI 10.3917/rhj.034.0147)
Genèse de l’abolition en France (Robert Badinter) (DOI 10.3917/rhj.034.0149)
Partie III. L'abolution universelle: une mise en perspective internationale
La peine de mort, une atteinte abominable à la dignité humaine (Jean-François Petit) (DOI 10.3917/rhj.034.0157)
Abstract:
La lutte contre la peine de mort est inachevée. À partir des analyses d’Albert Camus, on peut actualiser les fausses justifications de son maintien, en montrant sa puissance de déshumanisation. Il est aujourd’hui nécessaire de mieux tenir compte des mobiles et des contextes culturels, tout autant que la gouvernementalité des États non abolitionnistes. Le réflexe humaniste doit être complété par la réflexion sur des formes de construction de sociétés justes, plus centrées sur la prévention que la répression par la peine de mort.
Quel exercice d’humanité face à la peine de mort ? (Cathy Leblanc) (DOI 10.3917/rhj.034.0163)
Abstract:
Quel est le sens véritable de la peine de mort ? Pourquoi la peine capitale pour rétablir un tort, fût-il immense ? Dans cet article, nous essayerons de comprendre ce que représente cette peine en en recherchant les tenants jusque dans l’Antiquité. Au terme de cette enquête, nous comprendrons que la peine de mort est une forme accomplie de torture et qu’elle fut, en sa forme actuelle, précédée de pratiques relevant de la plus cruelle des barbaries. La question qui subsiste est la suivante : comment peut-on garder cette pratique et son appartenance dans nos démocraties quand la peine de mort abandonne toute velléité de réhumanisation.
Les États-Unis sur le chemin de l’abolition ? (Simon Grivet) (DOI 10.3917/rhj.034.0175)
Abstract:
Un demi-siècle après une abolition judiciaire ratée, les signes d’un déclin de la peine de mort aux États-Unis se multiplient. On dénombre de moins en moins d’exécutions et de condamnations à mort. La majorité des juridictions ont aboli la peine de mort. Cette évolution fragile s’explique par les débats suscités par les erreurs judiciaires, le racisme systémique dans la justice, les exécutions ratées, l’essor de la perpétuité réelle et la question du coût de la peine de mort. Une abolition complète est possible à moyen terme, mais elle implique des victoires politiques toujours difficiles quand les inquiétudes vis-à-vis de la criminalité redeviennent importantes.
La peine de mort au Moyen-Orient (Rusen Aytac) (DOI 10.3917/rhj.034.0187)
Abstract:
Dans cette région fragile, en proie à des tensions, déchirée par les crises et les guerres et dans un contexte d’une recrudescence des attentats, le combat pour l’abolition de la peine de mort en est fragilisé. La situation est même alarmante, et dans cette région, défendre les droits de l’homme constitue une prise de risques.
Abolition universelle de la peine de mort : défis et obstacles (Pierre Pélissier) (DOI 10.3917/rhj.034.0191)
Abstract:
L’abolition universelle de la peine de mort est inéluctable. Pour parvenir à cet objectif, il reste néanmoins des défis à relever : poursuivre l’abolition dans les démocraties, consolider l’engagement international, interdire un retour en arrière et soutenir le continent africain dans cette démarche. Il faudra aussi franchir des obstacles tels que l’application stricte de la charia dans les pays islamistes intégristes et l’utilisation de la peine de mort comme instrument de terreur.
Le « moment Badinter » « Nul ne peut être condamné à la peine de mort » (Sylvie Humbert) (DOI 10.3917/rhj.034.0203)
Notes de lecture
- Jean-Clément Martin, L'exécution du roi, 21 janvier 1793 (Paris: Perrin, 2021) (Jean d'Andlau)
- Jacques Dallest, L'Épuration. Une histoire interdite (Paris: Les Éditions du Cerf, 2022) (Didier Cholet)
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