10 July 2018

CALL FOR PAPERS: Regards croisés sur la justice fiscale (Xe-XXIe siècles). Egalité ou statuts particuliers? (Université de Picardie, 4-5 April 2019), DEADLINE 1 October 2018



Via Hi-D, we have the following call for papers:

Parce que l’impôt est un prélèvement contraint – ou, tout du moins, pouvant se dispenser de l’accord du contribuable –, la question de sa justice est un problème constant. Il est certes possible, sinon tentant, d’y répondre sommairement en le considérant comme intrinsèquement injuste – Taxation is theft – ou de juger la question vaine puisque, juste ou non, l’impôt devra être payé – Nothing is certain but death and taxes ! Pourtant, à l’heure où le gouvernement français s’apprête à engager plusieurs réformes de la fiscalité, la justice fiscale semble à questionner sur plusieurs plans. Dans ses aspects les plus concrets, elle se donne bien sûr immédiatement à voir dans l’organisation, le fonctionnement et les réformes successives du système fiscal. Cependant, l’incontestable technicité de la matière – souvent fantasmée comme forcément attentatoire aux intérêts particuliers – ne doit pas dissimuler l’importance des questions qui s’y jouent. En effet, à travers l’idée de justice fiscale, c’est toute une conception du monde – et aujourd’hui, particulièrement, une conception de l’État et de ses missions – qui apparaît derrière la technique juridique. Pour saisir l’ambiguïté de cette double dimension, l’analyse historique se révèle essentielle. Permettant d’envisager l’évolution du système fiscal en fonction des contextes, des inflexions politiques et des ambitions du temps, elle seule permet une analyse fine des enjeux les plus contemporains en leur offrant la mise en perspective qu’ils méritent. C’est donc à travers ces trois dimensions – fiscale, théorique et historique – profondément imbriquées que l’on se propose de questionner ici la justice fiscale.

Pour étudier la justice fiscale, la question de l’égalité dans la répartition de l’impôt est bien sûr classique entre toutes. L’idée que chacun doit payer l’impôt à raison de ses facultés nous est même si familière que nous peinons désormais à en reconnaître la part d’indétermination – de quelles facultés parle-t-on ? – et, plus encore, ce qu’elle porte en elle de révolutionnaire dans cette radicale indifférenciation des sujets devant l'État. Diverses inflexions devraient pourtant nous rappeler que l’histoire de la justice fiscale n’est guère linéaire. Ainsi, l’impôt a longtemps été pensé comme indissociable du privilège. Apparus en France – et plus largement en Europe – dès le Moyen Âge, d’abord au profit de la noblesse et de l’Église, les privilèges fiscaux seront ensuite développés tout au long de la période moderne, la monarchie ayant su en jouer pour composer avec une société d’ordres, à la fois frein et relais du pouvoir royal. D’un point de vue fiscal, la société d’Ancien Régime apparait dès lors comme un agglomérat de corps privilégiés et de statuts particuliers ne reconnaissant pas un principe d’égalité. Ce n’est que dans les dernières décennies de l’absolutisme que la royauté fit sienne une aspiration des Lumières à l’égalité civique, parce qu’elle estimait que le rétablissement des finances publiques passait par la réduction du nombre des privilégiés. Elle échouera pourtant à imposer ses réformes fiscales, la contradiction entre justification par le statut et justification par l’égalité constituant peut-être l’un des principaux écueils sur lesquels a sombré la légitimité royale. Par la suite, si la plupart des régimes proclamèrent, plus ou moins, l’égalité fiscale héritée de 1789 et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ils n’hésitèrent cependant pas à aménager quantité de statuts fiscaux particuliers, ressuscitant ainsi les inégalités d’autrefois. Il s’agira d’interroger ici ces privilèges et ces statuts dans une vision historique et comparatiste.

acultés parle-t-on ? – et, plus encore, ce qu’elle porte en elle de révolutionnaire dans cette radicale indifférenciation des sujets devant l'État. Diverses inflexions devraient pourtant nous rappeler que l’histoire de la justice fiscale n’est guère linéaire. Ainsi, l’impôt a longtemps été pensé comme indissociable du privilège. Apparus en France – et plus largement en Europe – dès le Moyen Âge, d’abord au profit de la noblesse et de l’Église, les privilèges fiscaux seront ensuite développés tout au long de la période moderne, la monarchie ayant su en jouer pour composer avec une société d’ordres, à la fois frein et relais du pouvoir royal. D’un point de vue fiscal, la société d’Ancien Régime apparait dès lors comme un agglomérat de corps privilégiés et de statuts particuliers ne reconnaissant pas un principe d’égalité. Ce n’est que dans les dernières décennies de l’absolutisme que la royauté fit sienne une aspiration des Lumières à l’égalité civique, parce qu’elle estimait que le rétablissement des finances publiques passait par la réduction du nombre des privilégiés. Elle échouera pourtant à imposer ses réformes fiscales, la contradiction entre justification par le statut et justification par l’égalité constituant peut-être l’un des principaux écueils sur lesquels a sombré la légitimité royale. Par la suite, si la plupart des régimes proclamèrent, plus ou moins, l’égalité fiscale héritée de 1789 et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ils n’hésitèrent cependant pas à aménager quantité de statuts fiscaux particuliers, ressuscitant ainsi les inégalités d’autrefois. Il s’agira d’interroger ici ces privilèges et ces statuts dans une vision historique et comparatiste.

En dépassant la conception de l’impôt en tant que violence d’Etat, se pencher sur la justice fiscale revient à questionner, à partir de son expression fiscale, ce qui fonde la légitimité de l’État. Dans  l’analyse  des  raisonnements  qui  valorisent  la  justice  par  l’égalité  comme  de  ceux  qui justifient au contraire l’inégalité par l’efficacité, c’est donc tout d’abord la souveraineté qui se trouve saisie à travers l’impôt, lequel s’envisage à la fois comme conséquence et comme condition de l'État.

La question de la légitimité peut toutefois également être saisie à travers les divers ressorts de l’adhésion du contribuable à un système fiscal. En effet, le contribuable est aujourd’hui – et de plus en plus, depuis un siècle – partie prenante de son bon fonctionnement, le rejet d’un impôt perçu comme injuste pouvant se traduire par des évitements, une inertie, voire une généralisation e la fraude. Les jeunes États savent d’ailleurs ce qu’il en coûte de ne pouvoir recourir aux formes les plus contemporaines du prélèvement fiscal, souvent considérées comme les plus efficaces.

Enfin, étudier la justice fiscale suppose d’examiner l’effectivité du principe d’égalité fiscale face à une multiplication des régimes fiscaux relevant davantage de l’exception à ce principe que d’une adaptation de sa mise en œuvre. La question se pose notamment avec une acuité particulière lorsque se multiplient aussi les pouvoirs fiscaux dont un même contribuable est susceptible de relever. Ainsi, les arbitrages auxquels l’investisseur ou le résident peut procéder (pudiquement euphémisés en « structuration de la dette fiscale ») ne lui ouvrent-ils pas l’accès à un régime fiscal sur mesure, a fortiori lorsque les souverains fiscaux plient eux-mêmes leur loi aux desiderata de contribuables mondialisés, la revendication d’une égalité de traitement devenant ainsi une voie royale du régime fiscal privilégié ?

C’est aux confins de ces différentes problématiques et en croisant les perspectives disciplinaires que ce colloque se propose de saisir la justice fiscale, tant dans son principe même que dans ses évolutions.

Comité d’organisation
Emmanuel de CROUY-CHANEL, Pr. de Droit public, Université de Picardie Jules-Verne
Cédric GLINEUR, Pr. d’Histoire du droit, Directeur du CEPRISCA, Université de Picardie Jules- Verne
Céline HUSSON-ROCHCONGAR, Maître de conférences en Droit public, Directrice de l’IPAG, Université de Picardie Jules-Verne

Comité scientifique
Michel BORGETTO, Pr. de Droit public, Directeur du CERSA, Université Panthéon Assas Michel BOUVIER, Pr. de Droit public, Université Panthéon Sorbonne, Président de FONDAFIP Jacques CHEVALLIER, Pr. émérite de Droit public, Université Panthéon Assas
Florent GARNIER, Pr. d’Histoire du droit, Directeur du CTHDIP, Université Toulouse Capitole
Daniel GUTMANN, Pr. de Droit public, Université Panthéon Sorbonne Marc LEROY, Pr. de Sociologie, Université de Reims-Champagne-Ardennes Albert RIGAUDIERE, Membre de l’Institut

Contact
Emmanuel de Crouy-Chanel : emmanuel.de.crouy.chanel@u-picardie.fr
Cédric Glineur : cedric.glineur@u-picardie.fr
Céline Husson-Rochcongar : celine.husson@u-picardie.fr

Les propositions de communication sont à adresser aux organisateurs sous la forme d’une présentation succincte (2500 signes maximum) accompagnée d’un court curriculum vitae avant le
1er octobre 2018

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