(Source: Université de Picardie)
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Parce que l’impôt est un prélèvement contraint – ou, tout du moins, pouvant
se dispenser de l’accord du contribuable –, la question de sa justice est un
problème constant. Il est certes possible, sinon tentant, d’y répondre
sommairement en le considérant comme intrinsèquement injuste – Taxation is
theft – ou de juger la question vaine puisque, juste ou non, l’impôt devra être
payé – Nothing is certain but death and taxes ! Pourtant, à l’heure où le
gouvernement français s’apprête à engager plusieurs réformes de la fiscalité,
la justice fiscale semble à questionner sur plusieurs plans. Dans ses aspects
les plus concrets, elle se donne bien sûr immédiatement à voir dans
l’organisation, le fonctionnement et les réformes successives du système fiscal.
Cependant, l’incontestable technicité de la matière – souvent fantasmée comme
forcément attentatoire aux intérêts particuliers – ne doit pas dissimuler
l’importance des questions qui s’y jouent. En effet, à travers l’idée de
justice fiscale, c’est toute une conception du monde – et aujourd’hui,
particulièrement, une conception de l’État et de ses missions – qui apparaît
derrière la technique juridique. Pour saisir l’ambiguïté de cette double
dimension, l’analyse historique se révèle essentielle. Permettant d’envisager
l’évolution du système fiscal en fonction des contextes, des inflexions
politiques et des ambitions du temps, elle seule permet une analyse fine des
enjeux les plus contemporains en leur offrant la mise en perspective qu’ils
méritent. C’est donc à travers ces trois dimensions – fiscale, théorique et
historique – profondément imbriquées que l’on se propose de questionner ici la
justice fiscale.
Pour étudier la justice fiscale, la question de l’égalité dans la
répartition de l’impôt est bien sûr classique entre toutes. L’idée que chacun
doit payer l’impôt à raison de ses facultés nous est même si familière que nous
peinons désormais à en reconnaître la part d’indétermination – de quelles facultés
parle-t-on ? – et, plus encore, ce qu’elle porte en elle de révolutionnaire
dans cette radicale indifférenciation des sujets devant l'État. Diverses
inflexions devraient pourtant nous rappeler que l’histoire de la justice
fiscale n’est guère linéaire. Ainsi, l’impôt a longtemps été pensé comme indissociable
du privilège. Apparus en France – et plus largement en Europe – dès le Moyen
Âge, d’abord au profit de la noblesse et de l’Église, les privilèges fiscaux
seront ensuite développés tout au long de la période moderne, la monarchie
ayant su en jouer pour composer avec une société d’ordres, à la fois frein et
relais du pouvoir royal. D’un point de vue fiscal, la société d’Ancien Régime
apparait dès lors comme un agglomérat de corps privilégiés et de statuts
particuliers ne reconnaissant pas un principe d’égalité. Ce n’est que dans les
dernières décennies de l’absolutisme que la royauté fit sienne une aspiration
des Lumières à l’égalité civique, parce qu’elle estimait que le rétablissement
des finances publiques passait par la réduction du nombre des privilégiés. Elle
échouera pourtant à imposer ses réformes fiscales, la contradiction entre
justification par le statut et justification par l’égalité constituant
peut-être l’un des principaux écueils sur lesquels a sombré la légitimité
royale. Par la suite, si la plupart des régimes proclamèrent, plus ou moins,
l’égalité fiscale héritée de 1789 et de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen, ils n’hésitèrent cependant pas à aménager quantité de statuts
fiscaux particuliers, ressuscitant ainsi les inégalités d’autrefois. Il s’agira
d’interroger ici ces privilèges et ces statuts dans une vision historique et
comparatiste.
acultés parle-t-on ? – et, plus encore, ce qu’elle porte en elle de
révolutionnaire dans cette radicale indifférenciation des sujets devant l'État.
Diverses inflexions devraient pourtant nous rappeler que l’histoire de la
justice fiscale n’est guère linéaire. Ainsi, l’impôt a longtemps été pensé
comme indissociable du privilège. Apparus en France – et plus largement en
Europe – dès le Moyen Âge, d’abord au profit de la noblesse et de l’Église, les
privilèges fiscaux seront ensuite développés tout au long de la période
moderne, la monarchie ayant su en jouer pour composer avec une société
d’ordres, à la fois frein et relais du pouvoir royal. D’un point de vue fiscal,
la société d’Ancien Régime apparait dès lors comme un agglomérat de corps
privilégiés et de statuts particuliers ne reconnaissant pas un principe
d’égalité. Ce n’est que dans les dernières décennies de l’absolutisme que la royauté
fit sienne une aspiration des Lumières à l’égalité civique, parce qu’elle
estimait que le rétablissement des finances publiques passait par la réduction
du nombre des privilégiés. Elle échouera pourtant à imposer ses réformes
fiscales, la contradiction entre justification par le statut et justification
par l’égalité constituant peut-être l’un des principaux écueils sur lesquels a
sombré la légitimité royale. Par la suite, si la plupart des régimes
proclamèrent, plus ou moins, l’égalité fiscale héritée de 1789 et de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ils n’hésitèrent cependant pas
à aménager quantité de statuts fiscaux particuliers, ressuscitant ainsi les
inégalités d’autrefois. Il s’agira d’interroger ici ces privilèges et ces
statuts dans une vision historique et comparatiste.
En dépassant la conception de l’impôt en tant que violence d’Etat, se
pencher sur la justice fiscale revient à questionner, à partir de son
expression fiscale, ce qui fonde la légitimité de l’État. Dans l’analyse
des raisonnements qui
valorisent la justice
par l’égalité comme
de ceux qui justifient au contraire l’inégalité par
l’efficacité, c’est donc tout d’abord la souveraineté qui se trouve saisie à
travers l’impôt, lequel s’envisage à la fois comme conséquence et comme
condition de l'État.
La question de la légitimité peut toutefois également être saisie à travers
les divers ressorts de l’adhésion du contribuable à un système fiscal. En
effet, le contribuable est aujourd’hui – et de plus en plus, depuis un siècle –
partie prenante de son bon fonctionnement, le rejet d’un impôt perçu comme
injuste pouvant se traduire par des évitements, une inertie, voire une
généralisation e la fraude. Les jeunes États savent d’ailleurs ce qu’il en
coûte de ne pouvoir recourir aux formes les plus contemporaines du prélèvement
fiscal, souvent considérées comme les plus efficaces.
Enfin, étudier la justice fiscale suppose d’examiner l’effectivité du
principe d’égalité fiscale face à une multiplication des régimes fiscaux
relevant davantage de l’exception à ce principe que d’une adaptation de sa mise
en œuvre. La question se pose notamment avec une acuité particulière lorsque se
multiplient aussi les pouvoirs fiscaux dont un même contribuable est
susceptible de relever. Ainsi, les arbitrages auxquels l’investisseur ou le
résident peut procéder (pudiquement euphémisés en « structuration de la dette
fiscale ») ne lui ouvrent-ils pas l’accès à un régime fiscal sur mesure, a
fortiori lorsque les souverains fiscaux plient eux-mêmes leur loi aux
desiderata de contribuables mondialisés, la revendication d’une égalité de
traitement devenant ainsi une voie royale du régime fiscal privilégié ?
C’est aux confins de ces différentes problématiques et en croisant les
perspectives disciplinaires que ce colloque se propose de saisir la justice
fiscale, tant dans son principe même que dans ses évolutions.
Comité
d’organisation
Emmanuel de
CROUY-CHANEL, Pr. de Droit public, Université de Picardie Jules-Verne
Cédric GLINEUR,
Pr. d’Histoire du droit, Directeur du CEPRISCA, Université de Picardie Jules-
Verne
Céline
HUSSON-ROCHCONGAR, Maître de conférences en Droit public, Directrice de l’IPAG,
Université de Picardie Jules-Verne
Comité
scientifique
Michel BORGETTO,
Pr. de Droit public, Directeur du CERSA, Université Panthéon Assas Michel
BOUVIER, Pr. de Droit public, Université Panthéon Sorbonne, Président de
FONDAFIP Jacques CHEVALLIER, Pr. émérite de Droit public, Université Panthéon
Assas
Florent GARNIER,
Pr. d’Histoire du droit, Directeur du CTHDIP, Université Toulouse Capitole
Daniel GUTMANN,
Pr. de Droit public, Université Panthéon Sorbonne Marc LEROY, Pr. de
Sociologie, Université de Reims-Champagne-Ardennes Albert RIGAUDIERE, Membre de
l’Institut
Contact
Emmanuel de
Crouy-Chanel : emmanuel.de.crouy.chanel@u-picardie.fr
Cédric Glineur :
cedric.glineur@u-picardie.fr
Céline
Husson-Rochcongar : celine.husson@u-picardie.fr
Les propositions
de communication sont à adresser aux organisateurs sous la forme d’une
présentation succincte (2500 signes maximum) accompagnée d’un court curriculum
vitae avant le
1er octobre 2018
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