Appel à
Communications
Les
professeurs allemands en Belgique :
Circulation
des savoirs juridiques et enseignement du droit
(Bruxelles,
18-19 octobre 2018)
L’histoire
des transferts culturels fait preuve aujourd’hui d’un dynamisme inédit. La
relecture récente des phénomènes nationaux à la lumière des échanges
internationaux et des flux transnationaux contribue à redéfinir la façon dont
les frontières nationales sont à considérer, particulièrement pour le XIXème
siècle où le modèle de l’État-nation s’est développé. L’importance des
mouvements transnationaux affecte des domaines à la fois politiques, économiques,
sociaux ou encore scientifiques. Le droit et les savoirs juridiques ne sont évidemment pas
exempts de ces transferts. Les transferts culturels et la circulation des
savoirs reposent sur un substrat de facteurs variés. Se pencher sur la question
des professeurs de droit allemands en Belgique ce n’est pas s’éprendre uniquement
de la question du droit, de l’enseignement du droit et des influences entre
aires nationales juridiques. C’est également aborder des terrains qui ont trait
à l’histoire des idées, des migrations, de la science et plus globalement de la
vie académique. L’intérêt plus spécifique pour la présence de professeurs
allemands en Belgique est également (relativement) neuf. Les échanges avec la
sphère culturelle et scientifique germanique ont fait l’objet de peu de recherches
systématiques, toutes disciplines confondues, sauf si ce n’est ponctuellement dans
des domaines spécifiques - nous pensons notamment aux sciences historiques (P.
Dhondt, Un double compromis, 2011).
Dans le cadre du droit et des sciences juridiques, les professeurs de droit ont
été mis à l’honneur dans des publications honorifiques et commémoratives.
Certes ce constat n’est toutefois pas isolé. L’ensemble de l’enseignement du
droit s’est écrit, à de rares exceptions, dans un esprit similaire. Au-delà du
droit, ces caractéristiques ont marqué durant de nombreuses décennies
l’historiographie de l’enseignement supérieur et universitaire belge.
Face
à ce constat, il semble que « l’histoire de l’enseignement du droit en
Belgique reste largement à écrire » (Jérôme de Brouwer 2015). Ce faisant, l’évolution du rôle joué par les professeurs
de droit formés dans les universités de la Confédération germanique et qui sont venus enseigner dans les universités
belges à partir de 1817 est aussi un
champ à explorer. Dans une nation qui se revendique au XIXème siècle
d’une identité plurielle marquée par la forte présence, à de multiples niveaux,
de l’héritage et de l’influence français, la notion de professeurs allemands et
de circulation des savoirs prend tout son sens. D’autant plus le statut de
professeur « étranger » pour la période concernée a de quoi
interpeller comme la notion d’université belge. En reflet du droit et du
système juridique, la base de l’organisation de l’enseignement adoptée dès 1830
et reconduite dans la première loi organique en matière d’enseignement
supérieur (loi du 27 septembre 1835) est issue principalement des périodes
antérieures à l’indépendance. C’est pourquoi la date de 1817 a été retenue. Elle
correspond à la fondation des premières universités modernes dans les provinces
méridionales du royaume des Pays-Bas dont aujourd’hui Gand et Liège sont
directement héritières. Quant à l’année 1914, elle correspond au début de la
première guerre mondiale et à la fin du long dix-neuvième siècle.
Ainsi,
Leopold August Warnkönig (1794-1866), le plus célèbre de ces « professeurs
allemands », était un ancien élève de Thibaut à Heidelberg puis d’Hugo à
Göttingen où il passe son doctorat (Gerkens 2015) avant de devenir dès 1817
professeur de droit romain à l’université de Liège. Il s’est ensuite illustré à
travers son rôle dans la Revue Thémis
(fondée en 1819) avant de poursuivre son parcours belge à Louvain (1827-1830)
puis à Gand (1831-1836) et de retourner en Allemagne pour y poursuivre et
terminer sa carrière. Mais, ce phénomène de juriste « germanique » en
Belgique ne se limite évidemment pas à l’illustre Warnkönig. A Liège se
trouvait également Jean-George Wagemann (1782-1825) depuis 1820, lequel avait
aussi été formé à Heidelberg. De même à
Gand, la jeune faculté de droit fit appel à Jacques-Joseph Haus (1796-1881),
docteur de l’Université de Würzburg, pour y enseigner d’abord le droit pénal et
le droit naturel. Johann Rudolf Thorbecke (1798-1872), bien que né aux
Pays-Bas, était également d’origine allemande. Il enseigna également à Gand à
partir de 1825 après un long séjour en Allemagne et une année en tant que
chargé de cours à Göttingen. D’abord professeur de sciences politiques, il
enseigne le droit à partir de 1833. Enfin à Louvain, se trouvait dès 1817
(jusqu’en 1830) Jean-François-Michel Birnbaum (1792-1877) comme professeur de
droit après des études à Erlangen et à Landshut auprès de Mittermaier et de Savigny.
De plus, après les départs de Birnbaum et Wankönig de Louvain, un autre
allemand s’y trouva comme professeur d’Antiquités romaines à partir de 1834
puis d’histoire politique (à partir de 1838) à savoir Guillaume Arendt
(1808-1865) père du diplomate Louis Arendt (1843-1924). En dehors de ces trois
facultés de droit créées ou réinstaurées en 1817, une deuxième vague de
professeurs allemands va se retrouver au sein de l’Université libre de Belgique
fondée en 1834. Ainsi Henri Ahrens, qui avait été l’élève de Krause à
Göttingen, y enseigne dès 1834 et jusqu’en 1848 le droit naturel. Il retourne
ensuite en Allemagne où il siège à l’Assemblée nationale de Francfort avant
d’enseigner de nouveau le droit à Graz et à Leipzig. Deux autres allemands,
Egide Arntz (1812-1884) et Charles Gustave Maynz (1812-1882) ont rejoint Ahrens
à Bruxelles. Arntz avait étudié à Munich, Iéna, Bonn et
Heidelberg avant d’effectuer son doctorat à Liège. Ce dernier fonda la revue la
Belgique judiciaire (1842) avant de
devenir un influent internationaliste, membre de l’Institut du droit
international depuis 1877. Quant à Maynz, qui étudia à Rome et à Berlin, il fut
professeur de droit romain.
Ainsi,
une dizaine de juristes allemands ont été des professeurs de droit de premier
plan en Belgique de 1817 à 1871. Pour autant, même si la plupart de ces
trajectoires individuelles sont connues (même s’il n’existe quasiment pas de
biographies scientifiques sur eux), aucune étude d’ensemble n’a étudié cette
présence allemande dans l’enseignement du droit en Belgique durant le 19ème
siècle. Il conviendrait de préciser les contours de ce phénomène des juristes
allemands en Belgique dans le contexte plus large de la circulation des hommes
et des savoirs dans les universités belges pendant le 19ème siècle.
De plus, les raisons de ces migrations (manque de personnel directement formé
en Belgique ; facteurs politiques et mouvements libéraux en Allemagne)
devront être mises en exergue. Il serait aussi évidemment intéressant de se
pencher plus en détail sur les thématiques de l’enseignement du droit. D’autre
part, les questions liées à l’histoire des migrations politiques et
intellectuelles et à la formation du droit de la nationalité pourront être
évoquées dans une perspective européenne et comparatiste. De même, les réseaux
épistolaires des juristes entre la France, la Belgique et l’Allemagne (voir
notamment l’exemple classique de Mittermaier) gagneraient à être étudiés plus
en détail ainsi que la question de la formation d’une culture juridique
« belge ».
Les propositions, qui comporteront une
présentation succincte de la communication envisagée avec indication des
sources (2 500 caractères), son titre et un court curriculum vitae, doivent
être envoyées aux organisateurs avant le 30 mai 2018 :
Comité organisateur
Jérôme de Brouwer (ULB)
Jérôme de Brouwer (ULB)
Raphael
Cahen (VUB-FWO)
Frederik Dhondt (VUB/Anvers)
Maxime Jottrand (ULB)
Frederik Dhondt (VUB/Anvers)
Maxime Jottrand (ULB)
Comité scientifique
Pierre
Bonin
Jacques
Bouineau
Jean-François Gerkens
Dirk Heirbaut
Michael Stolleis
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